« Nous agissons en support et soutien de l’économie »…
Alors qu’une nouvelle forme de confinement vient perturber, voire dégrader, l’économie du pays, même si l’activité continue en partie, il était opportun d’échanger avec Christian Fankhauser, directeur de la Banque de France dans le Var, partenaire de l’UPV, sur l’état de la situation et les bons conseils aux entreprises.
Var entreprises : Christian Fankhauser, quid de la situation économique au moment du reconfinement ?
Christian Fankhauser : « La crise sanitaire a occasionné une crise économique conjointement sur l’offre et la demande. En conséquences, le PIB a chuté en France – et dans des tendances comparables en Paca – de 6% au premier trimestre, de 14% au deuxième, avec une perte de création de richesses d’un tiers au plus fort de ladite crise. Le redémarrage était très bon jusqu’au reconfinement puisque le troisième trimestre enregistrait un redressement de 16% du PIB. Nous avions retrouvé 99% de l’outil productif, avec une projection de -8,5% de PIB sur l’année. La base était redevenue solide, sauf pour certains secteurs comme la culture et l’événementiel, fortement touchés. Une enquête auprès des chefs d’entreprises en Paca sur 2020 faisait ressortir une perte de chiffre d’affaires globale de 7% dans l’industrie, 9% dans les services, 11% dans le BTP, malgré le gros creux du printemps. Pour ce dernier secteur, le plan de relance du gouvernement offre des perspectives très positives, à condition d’aller vite et d’être pro-actif compte tenu de la règle : premiers arrivés, premiers servis… Côté emploi, on a créé en France un million de postes entre 2016 et 2019. La crise en a détruit en quelques semaines 700 000 à 800 000 ! En l’occurrence les plus précaires, à savoir les CDD et intérimaires. Le redémarrage était très positif. Les points d’interrogation sont désormais de retour. Une certitude néanmoins, le rôle éminent de l’Euro, avec la Banque centrale européenne qui nous protège complètement. C’est le seul outil collectif dont nous disposons doté d’une telle réactivité ».
VE : Des particularités dans le Var s’agissant de la situation des entreprises ?
CF : « Nous avons constaté une forte diminution des difficultés de trésorerie des entreprises varoises à la rentrée d’automne, plus importante que dans le reste de la région. Même situation positive pour les défaillances d’entreprises. Le PGE (Prêt garanti aux entreprises) a été très bien distribué au regard des besoins, en soutien du tissu économique, avec une part largement affectée au tourisme, aux cafés hôtels restaurants, aux commerces de proximité, à ceux dont la situation était le plus défavorable. Il s’agissait d’éviter les défaillances et de sauvegarder l’emploi ».
VE : A propos du PGE, faut-il le rembourser ou attendre ?
CF : « Tout dépend de l’évolution à venir, sachant que l’économie c’est de l’opportunité ! Les chefs d’entreprises auront la possibilité s’ils le désirent de reporter les premiers remboursements d’un an supplémentaire après la première année de moratoire. C’est une mesure forte pour aider ceux qui en ont le plus besoin. Libre à d’autres, qui n’ont pas de raison de repousser le remboursement et de payer les intérêts, de le faire plus tôt, même si les taux sont bas. A ce propos, les PGE ont en partie alimenté les dépôts des entreprises, qui ont augmenté de 12% à 30% entre mars et août, sans être affectés aux charges structurelles grâce à une bonne reprise d’activité ».
Importance de la médiation du crédit
VE : Quelle utilité de la médiation du crédit de la Banque de France dans la situation actuelle ?
CF : « La Banque de France a cette responsabilité de médiation du crédit depuis la crise financière de 2008, afin de contribuer à en limiter les effets. Dans la situation récente, notre travail de pédagogie en la matière a connu une forte montée en puissance, sur l’utilité ou non du PGE, sur la réflexion nécessaire en vue d’autres solutions que l’endettement supplémentaire. 50% des entreprises qui le demandaient ont eu au moins partiellement un PGE suite à une médiation, sachant qu’un tiers des bénéficiaires étaient en situation de fragilité et deux tiers en bonne santé.
En fait, nous accompagnons les entreprises à plusieurs niveaux de prévention des risques : par la médiation du crédit ; par un correspondant TPME Banque de France qui peut apporter une réponse adaptée aux questions et/ou orienter vers le bon interlocuteur ; par un service audit gratuit en ligne pour les chefs d’entreprises qui souhaitent disposer d’outils de pilotage et de discussion avec leurs partenaires financiers. Via cet audit « Opale », le dirigeant peut demander l’aide de la banque de France qui analysera sa situation sur la base de 25 à 30 indices. Dans ce cadre, mais aussi concernant « Geode », diagnostic approfondi et payant, nous sommes en partenariat avec l’Union Patronale du Var ».
VE : Que vaut la cotation en cette année Covid ?
CF : « Nous avons mis en sommeil la cotation à partir de mars et jusqu’à fin août afin de laisser le temps aux entreprises d’indiquer leur situation et leurs perspectives. Nous avons aussi lancé un questionnaire auprès de 270 000 entreprises en France et 5 000 dans le Var, interrogeant sur les impacts de la crise à différentes temporalités, nous permettant d’agrémenter sous un angle qualitatif les données de décembre 2019. Dès fin août, nous avons repris les cotations avec des pondérations sur l’existant de chaque entreprise, les moyens mis en œuvre dans l’adversité, la projection… Il faut savoir que chaque année 17%/18% d’entreprises font l’objet d’une dégradation, 20%/21% d’une amélioration. Lors de la crise de 2008, seulement 25% ont été dégradées. Nous essayons de coter à travers un cycle. Actuellement nous sommes dans l’inédit ».
VE : Un conseil pour les chefs d’entreprises dans cette période elle aussi inédite ?
CF : « Oui, rapprochez-vous de nous si vous avez des choses à dire ou à demander. Nous sommes à la disposition des chefs d’entreprises, aux côtés d’acteurs majeurs comme l’UPV, en support et soutien de l’économie ! ».