Alors que la montée en puissance du nombre d’aidants familiaux est exponentielle, les conséquences dans le milieu professionnel semblent évidentes bien que discrètes, voire secrètes. Dans ce contexte, Enosys veille au sein des entreprises varoises à l’équilibre entre vie personnelle et travail ainsi mis en péril.
Comme la prose de monsieur Jourdain, beaucoup d’aidants n’ont vraiment pas conscience qu’ils le sont. A raison d’une personne active sur deux, en augmentation permanente, le « phénomène » est potentiellement source de déstabilisation psychologique, sociale et économique. « Ce n’est pas tant l’aide de nos amis qui nous aide que notre confiance dans cette aide », prônait le philosophe Grec Epicure. Le service Enosys d’assistantes sociales et de psychologues du travail, que manage Isabelle Innocenti à l’UPV, travaille en profondeur cette notion de confiance afin de faire l’union entre le professionnel et le personnel.
Pour l’assistante sociale Anissa Payan (à droite sur la photo), « nous sommes de plus en plus sollicités par des salariés en situation d’aidants de façon régulière d’un proche malade ou en perte d’autonomie, qui peut être un parent, un conjoint, un enfant. Pourtant, le sujet reste très discret au travail, par pudeur, par peur aussi du regard des autres ». Un paradoxe qui rend plus difficile la recherche d’équilibre dans une vie qui ne l’est plus, compte tenu du temps nécessaire, souvent croissant, à consacrer à des contraintes médicales, domestiques ou administratives. « Nous avons l’expérience et la compétence pour accompagner les aidants dans la constitution de leurs dossiers et de leurs demandes d’aides diverses, par exemple à l’APA ou auprès de la MDPH (NDLR : Allocation personnalisée d’autonomie ; Maison départementale des personnes handicapées), pour les épauler dans l’entreprise et dans leur contexte familial », selon sa consœur Nathalie Peridont (en visio dans l’ordinateur sur la photo). « La porte d’entrée peut être simplement la demande d’information sur le congé de proche aidant qui permet de cesser son activité durant trois mois au maximum afin de veiller sur un ascendant, descendant ou collatéral dans une certaine mesure », précise la psychologue Clara Semenzato (à gauche sur la photo). Un congé rémunéré (AJPA - allocation journalière du proche aidant) et que l’employeur ne peut refuser, mais dans des conditions médicales (le plus souvent s’agissant de fin de vie) et de ressources (autour du Smic) contraintes.
Récurrence…
Cette prise d’information est primordiale pour aborder la suite et dénouer une problématique très délicate dans l’entreprise : le mutisme. « Les propos récurrents des personnes avec lesquelles nous échangeons sont « j’ai honte », « j’ai peur que le regard change sur la qualité de mon travail », « je ne veux pas la pitié des autres », « je veux faire comme si j’étais normal »…, confie Anissa. Les mots sont forts, les maux aussi. Enosys offre ainsi un SAS comblant un manque d’espace et de temps pour en parler, faire temporairement du bien et durablement du lien entre le perso et le pro. Il en va de la santé morale et physique des personnes en prise à des crises d’angoisse, de fatigue, de désespoir. « Un salarié aidant a besoin de cette soupape, de cette écoute, de cette compréhension jusqu’à la prévention, de notre médiation aussi vis-à-vis de son employeur, car il s’agit bien évidemment de garder son travail conjointement à ses nouvelles responsabilités », explique Nathalie. Selon cette dernière, les propos de Rosalynn Carter, épouse du 39e président des Etats-Unis (1977-1981) et militante des droits de l’homme, sont plus que jamais d’actualité sur les quatre types d’aidants : ceux qui l’ont été, ceux qui le sont, ceux qui le seront un jour, ceux qui auront besoin d’un aidant.
L’allongement de la durée de vie a des incidences sociétales et l’enjeu de bien vieillir ensemble s’invite à tous les niveaux, incluant l'aide aux aidants. Cela rend d’autant plus essentiel le partage des cheminements de chacun, à dessein de prendre soin de soi pour mieux s’occuper des autres. Des « Cafés des aidants » émergent ainsi, pilotés par l’Association Française des Aidants, pour des temps d’échanges quelles que soient les problématiques, afin de bénéficier d’informations, de pratiques, de ressentis, bien utiles pour s’apercevoir que l’on n’est pas seul, trouver des solutions, entrevoir des améliorations à défaut de situations idéales. A l’image de celui de la Cecaz (Caisse d’Epargne Côte d’Azur), accompagné par Anissa.
… et résilience
Autre porte d’entrée, le large spectre de la QVCT, la qualité de vie et des conditions de travail. Enosys offre une grande expertise dans ce domaine. Cela touche à la fois le contenu de l’activité, les relations au travail, la santé, le parcours pro, l’équité, l’engagement. « Tout est lié, y compris les retombées du rôle d’aidant sur sa carrière, l’impact sur ses collègues. D’où l’importance d’en parler, d’essayer de donner de la souplesse dans l’organisation de l’activité, pour le bien-être de chacun et de tous dans l’entreprise », soutient Clara. Une résilience qui rejoint la quête de sens des salariés depuis l’après-Covid, sachant que l’aménagement du temps de télétravail favorise ces évolutions, concourant à la notion montante de marque employeur.
La donne n’est en revanche pas la même pour tous, prévient Anissa. « C’est en effet plus compliqué pour un manager qui, en général, ne s’autorise pas à dire qu’il a un problème ». Le cadre (se) cloisonne, veut en quelque sorte garder l’image de « super héros » (homme de grande valeur en latin). « Gare aux conséquences, y compris émotionnelles. Pour lui comme pour tous les aidants, nous essayons de faire passer le message de la personne dans sa globalité. Je suis aidant mais pas que, je suis salarié mais pas que, je suis chef d’entreprise mais pas que, je suis maman mais pas que… ».
Pour Nathalie, Anissa, Clara, Isabelle et leurs collègues, il s’agit conjointement d’accompagner au deuil dans la perspective de la phase post-aidant qu’il faut aussi gérer. Au-delà du soutien sur le moment, dénouer la parole a des effets diffus, pour comprendre, déculpabiliser au travail et à la maison, ne pas être écrasé par la frustration de ne pouvoir - ou de n’avoir pu - aider davantage, ni s’oublier au risque de tomber malade. Pour toutes ces raisons, cela va mieux en le disant !